Quand sort la recluseDrôle d'histoire. Il ne peut en être autrement quand on recroise le chemin d'Adamsberg, plus perdu dans ses brumes que jamais. Le commissaire ne s'intéresse que peu aux affaires criminelles courantes, trop simples à résoudre grâce à l'exploitation de quelques menus détails passés inaperçus pour le commun des mortels. Mais quand son esprit est frappé par une somme de détails illogiques, à priori sans liens entre eux, alors il est happé par sa curiosité peu ordinaire et rien ne peut se mettre en travers de son chemin.

Les mots ont toujours une signification précise et une saveur particulière dans le langage de Fred VARGAS. La légèreté du ton masque la profondeur de l'écriture. On peut par exemple s'arrêter sur le mot recluse, qui en plus de son sens courant actuel, recouvre aussi une pratique médiévale et le nom vulgaire de la loxosceles rufescens, une araignée de nos campagnes occitanes...

Le penchant vers le surréalisme est pleinement assumé. Pour avancer, Adamsberg ne réfléchit pas. Il observe mais ne se concentre pas, laissant son esprit s'égarer et se poser où bon lui semble. Il associe entre eux mots et phrases qui l'émeuvent ou le surprennent et les laissent ensuite mariner, jusqu'à ce que les "bulles" éclatent.

Ce roman se situe dans la droite ligne des romans de VARGAS de part son originalité et sa fraîcheur, même si ce dernier terme a du mal à s'associer avec meurtres, assassinats et autres crimes. Le polar est bien présent, et sa forme ne supplante pas son fond quand les interrogations nous poursuivent tout le long du récit : qui tue ? Comment ? Qui sera le suivant ? Comment sera-t-il démasqué ?

Fred VARGAS renoue dans Quand sort la recluse avec ses anciennes passions. C'est, comme Adamsberg qui revient dans sa région originelle, un retour vers l'archéologie, vers l'histoire du Moyen âge. C'est aussi une ode à ce qui nous entoure et que nous ne voyons peu ou pas : un arbre, un oiseau, une motte de terre, une araignée. Il y a aussi quelque part du SIMENON dans VARGAS dans sa perception des "petites gens", ceux qui sont là mais dont on ne parle jamais. Cette vision humaniste permet de donner, malgré les circonstances dramatiques, des notes optimistes avec plus de tolérance envers les êtres différents, et une cohabitation possible entre les esprits cartésiens et les sensibilités pastorales.

Pas le temps de s'ennuyer donc : suspense et rebondissements abondent, au rythme toujours déconcertant du commissaire, ici loin de son 13ème arrondissement.

Notice de l'éditeur

«- Trois morts, c'est exact, dit Danglard. Mais cela regarde les médecins, les épidémiologistes, les zoologues. Nous, en aucun cas. Ce n'est pas de notre compétence.
- Ce qu'il serait bon de vérifier, dit Adamsberg. J'ai donc rendez-vous demain au Muséum d'Histoire naturelle.
- Je ne veux pas y croire, je ne veux pas y croire. Revenez-nous, commissaire. Bon sang mais
dans quelles brumes avez-vous perdu la vue?
- Je vois très bien dans les brumes, dit Adamsberg un peu sèchement, en posant ses deux mains à plat sur la table. Je vais donc être net. Je crois que ces trois hommes ont été assassinés.
- Assassinés, répéta le commandant Danglard. Par l'araignée recluse?»